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mon univers littéraire décalé
18 décembre 2013

L'EPISCOPE - Partie 1 - chap 1 c

La Planète Colona I avait vécu, il y a bien longtemps de cela, une guerre civile où le peuple et Pontife Usar V - qui était alors sur le trône – s’affrontèrent. Il en avait fallu de peu pour que la royauté soit renversée pour mettre à la place une utopie quelconque, du genre démocratie ou autre absurdité politique qui faisait beaucoup d’adeptes parmi les ouvriers des grandes usines de la Transcédérale. Le gouvernement de l’époque n’avait rien vu venir.

Ni politiquement, ni socialement.

C’était peu après l’arrivée du Voyageur du Temps. Il était apparu moins de cinq ans plus tôt sur la Place de l’Octogone. Personne ne savait d’où il venait ni comment il avait réussi à traverser, d’après lui, l’espace et le temps. Il venait d’une planète soit disant appelée Terre qui vivait elle aussi une guerre et avait réussi à s’en échapper in-extrémis par le biais d’un laboratoire gouvernemental. Mais rien ne prouvait encore ce jour, quelques dizaines d’années plus tard, que ce « Voyageur du Temps », tel que l’avait surnommé la presse de Colona I, avait fait germé les graines de la rébellion. Grâce à l’aide des notables de la planète, de l’armée et d’une partie conservatrice du peuple, Usar V avait réussi à s’échapper en s’envolant dans la navette Royale avec toute la Cour. Les autres avaient utilisés les vaisseaux de l’armée qui disposait de tout un arsenal.

 C’est bien confortablement que Usar V et sa Cour, ainsi que tous les Expatriés - comme on les appelait à l’époque - s’étaient installés « gracieusement » dans la ceinture artificielle qui formait comme un anneau autour de la planète. Cette ceinture de verre, de plastiques et d’acier était la propriété et l’œuvre futuriste de la Transcédérale qui s’était vue obligée de la céder au Pontife. En contrepartie, tous les souverains qui avaient succédés à Usar V avaient toujours laissés libre cours à toutes les extravagances financières et mercantiles de la Transcédérale.

Pour se venger et régler le problème du peuple rebellé, Usar V avait lancé sur la planète ses Vecteurs atomiques, des engins surpuissants chargés d’armes capables d’atomiser un continent entier. Tous les rebelles avaient péri en des trillions de cris simultanés, y compris probablement le « Voyageur du Temps », au grand soulagement des Expatriés, tels qu’ils soient.

Depuis, une période de paix sociale était maintenue et les habitudes de vie avaient totalement changées. Les travailleurs étaient contents de leurs tâches et de dépenser leur argent durement gagné dans la Ceinture Commerciale, la Cour s’était bien installée dans de grandes résidences proches du Palais, et la Caste des Commerçants vivait dans la Ceinture du Sunset qui avait l’une des meilleures expositions au soleil de Colona I. Le palais du Pontife avait transformé l’armée en Fédération. Tous les militaires étaient désormais « agents de la Fédération » et avaient à leur disposition les derniers tekbios. Cela leur permettait de mater toute insurrection, voire même supposée, avant son éclat.

 A peine un an après l’installation dans la grande Ceinture, La Mission Saint Eden apparut et les premiers disciples se convertirent. A cette époque, ce n’était encore qu’une petite communauté qui avait accédé à des quartiers futurs du Sunset. Le mouvement s’était au fur et à mesure des décennies amplifié de manière exponentielle, jusqu’à devenir la religion unique de la Ceinture.

Aucune autre n’était connue ou admise.

Même la Cour et la famille du Pontife Usar VII étaient pratiquantes - non disciples car il n’avaient pas sur le front cet horrible Signe qui représentait un Omega - mais pratiquants toutes les cérémonies et particulièrement la Grand Mess chaque fin de mois sur la nouvelle Place de l’Octogone, ainsi nommée pour que personne n’oublie ce qui était arrivé sur Colona I, leur planète d’origine désormais carbonisée.

 

Liala était la fille unique de Usar VII et Cabillia Sergot, son épouse. C’était une jeune fille de 13 ans, belle, simple, digne et éduquée pour tenir son rang au minimum parmi la Cour. Cabillia, grâce à son élégance, à sa spontanéité et sa simplicité, était très aimée par l’ensemble des habitants de la Ceinture et la nouvelle de sa grossesse avait réjoui tout le monde quelques mois auparavant. Lorsque le palais annonça qu’il s’agissait d’un fils, la réjouissance s’était transformée en liesse et des milliers de fêtes avaient été organisées à tous les niveaux de la Ceinture pour fêter l’heureux événement.  Liala, fille du Pontife et de la reine Cabillia, était généralement appelée l’Infante. Elle était heureuse, non seulement pour sa mère qui allait enfin avoir un nouvel enfant, pour son père qui allait finalement avoir un nouvel héritier.  Jamais une femme n’avait régné sur Colona I. Mais Liala était également heureuse égoïstement : malgré toute la Cour, tous les serviteurs qui étaient aux petits soins pour elle, elle se sentait extrêmement seule. Sa mère lui avait expliqué que la période d’adolescence, qui commençait pour une fille plus tôt que pour un garçon, n’était pas une période facile à vivre. Beaucoup de questions, beaucoup de nouvelles émotions, et peu de réponses. Plongée dans ses études, qu’elle réussissait d’ailleurs avec brio, elle s’ennuyait et se sentait désoeuvrée.

Probablement à la demande de sa mère, de nombreuses fêtes étaient organisées pour l’Infante. A de multiples occasions, elle rencontrait de jeunes prétendants mandatés par leur famille pour la séduire et prendre une position significative dans l’avenir de la Royauté. Mais il s’agissait de piètres comédiens. Elle ne pouvait s’empêcher de sentir, malgré leur probable attachement à sa personne, que d’autres motivations étaient sous jacentes. L’Infante Liala rêvait de découvrir un amour frais, comme une fleur qui s’ouvre dans les grands jardins du Palais à la rosée artificielle du matin. Pas quelque arrangement politique qui permettait à l’une à l’autre des Grandes Familles de se positionner. Il était temps de rompre avec ces manipulations politico-amoureuses de la Cour.

Cabillia et Usar VII, outre leur positionnement politique, étaient follement amoureux l’un de l’autre depuis le premier jour. Même si Liala savait que cela était possible, elle doutait de vivre la même chose.

 

Il était tard dans le Palais, et l’Infante était sensée dormir depuis longtemps déjà. Elle se faisait un malin plaisir, alors que tout le monde était couché, de se relever et de rester à rêvasser sur son balcon sur le parc. Elle imaginait parfois qu’un vaisseau allait atterrir là, juste devant sa fenêtre, et qu’un bel inconnu l’emmènerait à tout jamais loin de cette vie et de cette hypocrisie. Quoiqu’il arrive, elle n’aurait toujours qu’un rôle accessoire, voire figuratif à jouer, en temps que femme de la Cour. Jamais elle ne régnerait, donc à quoi bon rester ?

Elle se sentait si seule.

Elle entendit soudainement des bruits de pas dans le parc et tendit l’oreille. A l’instar de tous les membres de la Royauté et d’une bonne partie de la Cour, elle n’avait pas de tekbios. Jamais quelqu’un de son rang n’aurait recours à ce genre de salissure physique, elle se devait d’être pure. Pourtant, parfois elle y pensait avec envie. Cela devait être fascinant de pouvoir espionner quelqu’un de loin, ou encore d’écouter une conversation à travers des murs.

Le bruit venait des agents de la Fédération qui faisaient leur ronde.

 Elle était heureuse de ne pas avoir allumé la lumière de sa chambre. Ainsi elle pouvait les voir sans être vue sur son balcon. Les deux agents étaient accompagnés d’un Boudoc, ces animaux mutés qui étaient capables d’une férocité destructrice à la moindre demande tekbio de leur maître. Leurs six pattes griffues portaient un corps lourd de muscles et une paire d’ailes repliées. Malgré la masse apparente de ces animaux, ils étaient capables d’agir avec une rapidité surprenante. La présence de la ronde ne rassurait même plus Liala. Pourquoi s’inquiéter ?

Depuis l’Expatriation, jamais qui que ce soit n’avait tenté une action contre la Royauté. Ces rondes lui semblaient superflues, et elle les regarda passer sans un bruit et avec condescendance. Arrivés devant son balcon, alors qu’ils se trouvaient à une bonne cinquantaine de mètres dans le Parc, les deux agents s’arrêtèrent et saluèrent en direction de l’Infante.

Elle sursauta.

Evidemment, les tekbios…. Ils devaient être équipés d’implants infra rouge pour les rondes nocturnes. Elle répondit à leur salut et ils continuèrent leur ronde comme si de rien n’était. Elle ne savait pas si ils avaient l’obligation de tout répertorier dans leurs tekbios de mémoire qu’ils transféraient à la centrale de surveillance du Palais et à la Commandanté qui dirigeait la Fédération. Elle imagina la tête que feraient ses parents s’ils apprenaient qu’à minuit, elle ne dormait toujours pas. Elle préféra ne pas trop y réfléchir et aviser en temps voulu. Elle rentra dans sa chambre et ferma la grande fenêtre sans bruit.

 Ses draps étaient souples et soyeux et elle s’endormit profondément en imaginant son visiteur inconnu qui l’embrassait tendrement.

 

 

 

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