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mon univers littéraire décalé
10 décembre 2013

Dieu, etc (jour 14)

14ème jour

 

Depuis hier, je suis toujours en train de me casser la tête – trop probablement – lorsque Visiu revient me voir.

Déjà, histoire de m’énerver, je vois qu’il lit sur mon visage que je n’ai pas trouvé la solution et manifestement cela l’amuse. Moi, pas du tout ! Mais par fierté mal placée, je ne veux rien lui montrer et prends un air décontracté, genre « Quoi de neuf, Doc ? », mais sans la carotte.

Très à l’aise de son côté, il s’installe à sa place habituelle :

-       « Nous n’avions pas fini le sixième jour, me semble t-il »

-       « Vu comment tu as réagis, c’est plutôt toi qui a écourté l’histoire »

-       « Cette fois-ci, je vous écoute » assure t-il avec sérénité.

-       « Donc : Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre »

-       « Bon, je pense que je n’ai pas de commentaire supplémentaire à ajouter, on retrouve le même jeu de cartes »

-       « Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre »

-       « Okay, donc les céréales, la ciboulette et le persil. Mais les racines genre navets, carottes, pommes de terre, tout ce qui n’est pas sur la surface mais en-dessous, ne sont donc pas des produits offerts à l’homme par Dieu »

-       « Tu ne vas pas recommencer quand même ! Comme je te l’ai déjà dit, qui peut le plus peut le moins. Et si ce n’est pas Dieu qui peut le plus, je ne vois pas qui ça pourrait être ! »

-       « Oui mais pourquoi liste t-il sans être exhaustif au lieu d’être généraliste ? »

-       « Mais Dieu n’est pas Maïté non plus, ce n’est pas une recette de cuisine ! Bref, je continue : Et tout arbre ayant en lui le fruit d’arbre et portant de la semence, ce sera votre nourriture. Et cela fut ainsi »

-       « Si je comprend bien ce que dit l’Ancien Testament, Dieu a donc demandé aux êtres humains d’être végétaliens »

-       « Pourquoi tu dis ça ? »

-       « Et bien, il offre aux êtres humains pour nourriture des herbes et des fruits. Il ne dit pas : Goinfrez-vous de côtes de bœuf ou de brochettes de gambas ! Elevez industriellement des milliers de poussins dans deux mètres carrés, pour en faire des wings à la tex-mex »

-       « Peut-être que Dieu n’avait jamais gouté à la viande, donc il ne pouvait pas savoir que c’était bon. Et puis je te signale que le tex-mex ça n’existait pas ! »

-       « Ah parce qu’il a gouté au reste ? Dieu prend du muesli au petit-déj avec un jus d’orange fraichement pressé ? »

-       « Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit »

-       « Donc le sixième jour, c’est fini ? »

-       « Presque. Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon »

-       « Très auto-suffisant quand même ce Dieu ! Il n’a jamais pensé à consulter ? Il a peut-être un léger problème de narcissisme… »

-       « Arrête de blasphémer, Visiu ! Bref, ainsi il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour »

 

Le pied de Visiu bouge nerveusement, comme s’il contenait sa rage.

-       « Et donc, voilà ? C’est fini la Création ? » me demande t-il, manifestement très déçu.

-       « Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée »

-       « Il ne manquait plus que la guerre maintenant ! C’est une armée pour quoi ? Contre qui ? »

-       « Quand tu dis il y a une armée de choses à faire, ça ne veut pas dire que ces choses vont attaquer quelqu’un. Ca signifie simplement qu’elles sont une multitude, mais ordonnée. Là c’est pareil »

-       « Admettons »

-       « J’essaye de continuer, voire de finir : Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait fait ; et il se reposa au septième jour de tout son œuvre, qu’il avait faite »

-       « Tu m’étonnes, hyper productif quand même le Dieu »

-       « … Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant. TIIN DIIIN !! The end ! »

-       « Donc, comme par hasard, la Création du monde par Dieu correspond pile à une semaine »

-       « Exact »

-       « Et c’est pour ça que sur Terre le dimanche était généralement un jour non ouvré ? »

-       « Encore exact ! A la troisième bonne réponse, tu as un bon point ! »

-       « Oula ! Donc vous êtes en train de me dire que la Religion, les Textes Sacrés – dont celui dont nous parlons depuis votre réveil -  a eu un tel impact sur votre civilisation, que le dimanche est resté non travaillé pendant tous ces siècles parce que Dieu l’a sanctifié ? »

-       « Tu veux quoi comme image ? »

-       « Mais c’est pathétique ! Alors qu’une grande majorité des humains – réduisons même l’échantillon aux européens – n’étaient plus ni pratiquants ni croyants, ce dogme restait pour acquis ? »

-       « C’était considéré comme un droit effectivement de ne pas travailler dimanche »

-       « Ah oui, j’ai déjà beaucoup entendu parler de ça : les droits. J’ai toujours pensé, manifestement à tort, que les droits s’équilibraient avec une contre partie : les devoirs. Mais dans vos civilisations, c’est marrant, on en parle pratiquement jamais. Par exemple, j’ai vu qu’il existait une Charte des Droits de l’Homme, mais pourquoi personne n’a jamais pensé à établir une Charte des devoirs de l’Homme ? »

-       « Visiu, objectivement, est-ce que ça aurait changé quoique ce soit à la finalité de notre civilisation ? »

-       « C’est à vous d’y réfléchir, je n’ai pas de réponse, seulement des questions… »

-       « … »

-       « En parlant de question, avez-vous ébauché des réponses à mon énigme d’hier ? »

-       « J’y travaille, effectivement »

 

Je suis un peu vexé de ne pouvoir lui affirmer que c’est résolu. Mais je sais – je sens – que j’ai la solution quelque part dans ma tête, il suffit que je passe au delà des carcans.

Il se lève :

-       « Merci pour m’avoir narré la Création selon l’Ancien Testament. Cette fois-ci, tout est terminé ? Nous avons la création du ciel et de la terre et des étoiles ? L’homme et la femme vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants végétaliens ? »

-       « Dans le jardin d’Eden »

-       « Dans le jardin des quoi ? »

-       « Non, dans le jardin d’Eden. L’Eden, le lieu paradisiaque ! »

-       « Ca m’a l’air bien alléchant tout ça ! Je suis impatient que vous me racontiez la suite, mais cela m’est impossible de rester aujourd’hui. J’ai rendez-vous chez les dentiste »

-       « C’est vrai ? »

-       « Non, mais j’ai toujours rêvé de placer l’expression, je trouve ça drôle »

-       « Ah ouai… »

-       « Bon. Je vous laisse »

 

 

Je n’ai que très peu de temps pour continuer à me prendre la tête car bientôt le rectangle s’illumine de nouveau pour laisser rentrer ma belle Nasia avec un plateau de délices.

Je ne l’avais pas revue depuis ma discussion, la veille, avec mon ami l’extraterrestre. Je lui raconte donc l’étrange discussion que nous avons eue. A son habitude, elle m’écoute avec patience et attention, sans me couper la parole, avec cette fraicheur et cette spontanéité qui m’émeuvent, je ne sais pour quelle raison, peut-être parce que sur Terre, tout le monde ne parlait plus que de lui-même sans jamais vraiment prendre le temps d’écouter les autres, moi le premier.

Elle réfléchit un moment et m’avoue :

-       « Je n’ai jamais eu de telles discussions avec Visiu, nos rapports sont beaucoup plus simples à vrai dire »

-       « Tu le vois souvent ? »

-       « Non. Nous nous sommes croisés quelques fois, et je ne pense pas que c’était par hasard »

-       « Et tu as un endroit où tu vis sur cette planète Gé ? Un appartement ? Pourquoi viens-tu me voir tous les jours ? Tu as des amis ou des gens que tu fréquentes ? »

-       « Cela fait beaucoup de questions. En fait, je vis dans une chambre pas très loin de la vôtre »

-       « Dans le même bâtiment ? »

-       «  Oui. Depuis mon réveil, je n’ai jamais rencontré personne sauf Visiu et vous. Et pourquoi je viens ? Cela me paraît naturel de venir vous rendre visite, ne me demandez pas pourquoi, c’est ainsi, c’est tout. Je crois tout simplement que j’y trouve du plaisir »

-       « Et Visiu ne t’a jamais proposé d’aller faire une ballade pour visiter la planète ? »

-       « Non. Je n’ai jamais demandé non plus »

-       « Alors, tu es prisonnière en fait, toi aussi »

-       « Je ne le ressens pas comme ça. Visiu m’a dit, peu de temps après que je me sois réveillée, une phrase qui m’a marquée et que je n’ai jamais oubliée »

-       « Dis moi… »

-       « Contrairement au corps, les seules limites de l’esprit sont celles qu’il s’impose. Cela m’a donné un profond sentiment de liberté »

 

Je reste quelques secondes sans mot dire.

C’est la clé.

Inconsciemment je le sens. C’est la pièce manquante de l’énigme. Je me lève et je m’approche de la cloison. Avec la paume de ma main, je caresse le mur lisse et je ferme les yeux pour me concentrer.

Seul mon esprit fixe les limites.

La pièce qui m’entoure n’est pas mon seul espace de vie, ce n’est que l’espace dans lequel je vis. Je rouvre les yeux et un rectangle incandescent s’illumine sous ma main. Je me retourne vers Nasia et échange un sourire.

Elle me rejoint.

 

Ensemble nous traversons la lumière.

 

Elle est pertinente mon extraterrestre.

 

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