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mon univers littéraire décalé
11 décembre 2013

Dieu, etc (jour 15)

15ème jour

 

Je me retrouve à côté de Nasia dans une pièce inconnue, devant une immense baie vitrée donnant sur une ville entière manifestement bien plus évoluée que celles terriennes. Des immeubles en volutes, des spirales de verre, des milliers de vaisseaux de différentes tailles qui virevoltent de tour en tour comme des insectes récoltant du nectar. Un ciel où des constellations inconnues se dessinent, traversé par d’immenses engins intersidéraux laissant de longues traces d’un gaz bleuté.

En m’approchant de la baie, j’aperçois au sol des espaces d’une verdure étonnante et chatoyante, telles des explosions de vies, totalement en harmonie avec l’aspect fonctionnel des rues, que des êtres, semblables en tout point à Visiu, parcourent manifestement avec plaisir et sérénité.

Un monde nouveau futuriste où chacun à sa place, où il fait bon de vivre, un monde qui a regardé la terre et qui a jugé que l’Humanité ne portait rien en elle qui mérite d’être sauvé.

Voilà ce que je m’attends à voir.

Mais rien de tout ça.

 

Je me retrouve dans une clairière cernée de grands arbres majestueux. Le ciel bleu où quelques nuages épars se dessinent. L’air frais est revigorant. Une légère odeur d’humus et de fleurs printanières chatouille mes narines. Et le bruit. Enfin du bruit, de la vie, contrairement à ma chambre de captif qui me semblait capitonnée. Un bruit doux de vent, d’oiseaux, d’insectes. C’est presque assourdissant. C’est comme une plongée dans la quintessence de la vie. J’en ai les larmes aux yeux. Je ne pensais jamais retrouver cette sensation d’exister, de faire partie d’un tout.

Dans ma main, je sens la douce chaleur de celle de Nasia. Elle ne se cramponne pas à la mienne, je n’y sens aucune angoisse, aucune peur. Elle est juste là, à partager ce moment avec moi. Je me retourne vers elle, se yeux sont aussi lumineux que les miens, ahuris d’émerveillement.

Je fais un pas, et je sens sous mes pieds la délicate souplesse de l’herbe, ce léger chatouillement que j’avais oublié depuis l’enfance. J’ai envie de me déshabiller et de me rouler dans l’herbe jusqu’à ce que ma tête tourne et que je perde tous mes sens.

Mais je suis un adulte, je sais me contenir.

-       « Où sommes-nous ? » me demande la jeune extraterrestre, un grand sourire aux lèvres.

-       « Aucune idée, je ne sais pas si c’est un rêve éveillé ou si c’est effectivement la réalité, mais j’aime ça »

-       « Moi aussi » avoue t-elle, une larme roulant sur sa joue.

-       « Pourquoi tu pleures ? »

-       « Ce sont toutes ces sensations nouvelles, ces images, ces odeurs, cette vie, c’est… c’est merveilleux »

-       « Ma planète Terre était encore comme ça à certains endroits quand je l’ai quittée. Tu te souviens de la tienne ? »

-       « Toujours pas, non. Mais ça ne pouvait pas être plus beau qu’ici »

 

Je lâche sa main – une longue caresse, un au revoir, pas un adieu - et nous faisons quelques pas vers la lisière de la clairière. J’entends au loin un bruit d’eau, et la soif m’envahit.

-       « Suis moi » lui dis-je en souriant toujours bêtement, tel un Forrest Gump devant une boite de chocolats.

 

Les petites branches de bois mort craquent sous nos pieds, un vrai délice. Sous les arbres, l’odeur d’humus est encore plus présente, enivrante. La profusion de vie est étonnante. J’ai l’impression d’entendre chaque parcelle de vie s’affairer. Les insectes qui glissent, volent, grattent, marchent. Ces milliers de pattes minuscules sur les feuilles et les troncs.

Je perçois, bien au-dessus de nous, l’envol d’oiseaux que j’ai à peine le temps d’apercevoir, leurs chants se répondent comme une symphonie magistrale. J’ai l’impression de n’avoir jamais eu cette perception lors de mes promenades sur Terre.

Pour la première fois de ma vie, j’écoute.

Et j’entends.

Je fais partie de ce tout. J’ai la sensation d’exister pleinement.

A travers les hauts feuillages, les rayons tendres du soleil nous caressent. Nous nous rapprochons de la source du bruit d’eau. Une petite cascade peut-être ? J’ai toujours rêvé de plonger sous une cascade d’eau fraiche, comme ces personnages du Lagon Bleu dont la beauté équivalait leur niaiserie.

Suis niais à mon tour ?

Est-ce vraiment niais d’être empli d’un bonheur simple ?

Peu m’importe.

Je continue d’avancer, Nasia sur mes pas, et je distingue la sortie du bois. Nous nous retrouvons bientôt dans un grand verger. J’avoue que je m’y connais autant en arbre qu’en Mathématiques quantiques, pour dire ; mais je reconnais quand même certains fruits : des pommes, des coings, des cerises et des pêches, chaque parfum embaume lorsque nous en approchons.

Au centre de ce verger, je trouve enfin la source du ruissèlement : Une grande fontaine de pierre d’où jaillissent de multiples cascades. Quatre canaux partent en direction des points cardinaux. Je m’approche et plonge ma main dans cette eau claire pour la gouter.

Elle est bonne.

Pas comme toutes les eaux minérales que j’ai bu boire auparavant, elle est sublime. C’est un véritable chant qui coule sur ma langue puis pénètre dans ma gorge, exaltant chaque millimètre de mon corps. Nasia se penche et bois aussi. Son sourire m’informe silencieusement qu’elle partage le même plaisir. J’ai envie de boire sans plus jamais m’arrêter, je veux m’enivrer de cette eau.

-       « Elle est bonne ? » nous demande une voix que j’ai appris à reconnaître.

 

Visiu sort de derrière un arbre, arborant un sourire d’auto satisfaction, tel un enfant heureux de sa farce.

-       « Visiu ?! Je ne m’attendais pas à te voir ici ! »

-       « Je voulais voir par mes yeux si tout cela vous plaisait »

-       « je ne sais quoi te dire, c’est parfait. Je ne pensais pas qu’il existait une telle pièce à côté de ma chambre »

 

L’extraterrestre émet pour la première fois un son qui me semble être un rire. Je le regarde bêtement en souriant, ne comprenant pas ce qui peut être si drôle.

-       « Nous sommes à des millions de kilomètres de votre chambre, mon cher. Le rectangle lumineux par lequel vous êtes passé est une porte, un passage d’un lieu à un autre, selon mes desideratas »

-       « Comment allons-nous faire pour y retourner ? »

-       « Avez-vous vraiment envie d’y retourner ? Il me semblait que vous n’appréciez guère d’être enfermé entre quatre murs, selon votre expression »

-       « Nous allons vivre désormais ici ? »

-       « Si cela vous agréée, cette planète est la vôtre »

-       « Nous sommes sur Gé ? »

-       « Absolument pas. Je tenais à vous montrer un peu de reconnaissance pour votre participation à mon enrichissement personnel. Vous serez ici chez vous désormais »

-       « Tout le temps ? Mais comment allons-nous vivre ? Nous nourrir ? »

-       « Je vous donne tout, les fruits des vergers, les fruits de la terre. L’herbe pour lit, les rivières pour boisson, les cascades pour vous purifier »

-       « Un vrai jardin d’Eden… » dis-je en contemplant le paysage.

-       « Je ne sais pas » avoue Visiu, manifestement ennuyé, « nous ne sommes pas allés jusque là dans les explications, mais si j’ai effectivement réussi à vous y faire penser, je suis satisfait »

 

Moi qui ai toujours eu cette réputation d’avoir réponse à tout, je me retrouve bouche-bée. Ca aurait fait probablement plaisir à beaucoup de monde sur Terre.

Mais c’était une autre vie, ma première vie.

Je me rends finalement compte des implications de ce cadeau de mon ami l’extraterrestre. Je prends conscience à quel point mon existence ancienne m’a pollué. Pas d’électricité. Pas d’internet. Pas d’ustensiles. Plus de petits plateaux repas. Pas de brosse à dents ni de savon.

La nature et moi.

Je dois abandonner mon être culturel pour redevenir un être naturel.

 

Je regarde autour de moi, je regarde Nasia, le temps que je fasse le tour, Visiu a disparu.

 

Ils sont forts ces extraterrestres.

 

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