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mon univers littéraire décalé
2 décembre 2013

Dieu, etc (jour 5)

5ème jour

 

« Qui sème l’orage, récolte la tempête », c’est l’adage qui imprègne ma première pensée en me réveillant à l’instant, découvrant au pied de mon lit mon plateau de nourriture.

Un plateau, mais pas de Nasia.

Je suis manifestement puni pour l’avoir blessée hier. Contrairement à Visiu, je suis humain et donc je culpabilise. C’est vrai que, depuis mon arrivée, elle a toujours été correcte avec moi et, outre le fait d’être retenu prisonnier dans cette chambre de luxe, je n’avais aucune raison de lui faire du mal. J’essaye de penser très fort à un stylo et un bout de papier, afin qu’un mur s’ouvre et me les livre, mais rien ne se passe. J’aurais presque envie d’essayer le fameux « Abracadabra » ou le « Sésame ouvre toi » mais ça voudrait dire que je suis en pleine dep, bon à enfermer. Donc je me retiens. J’aurai aimé lui laisser un petit mot sur le plateau pour m’excuser.

Mais, sait-elle même lire ?

L’idée de passer toute ma journée avec la seule visite de mon pote l’extraterrestre pour lien social me déprime. Non seulement, il ne se passe pas grand chose habituellement, mais si je perds 50% de mes liens sociaux, ça ne va pas le faire !

Si au moins j’avais Facebook, j’aurai un tas d’amis…

En fait, j’aurai des gens qui publient pour la plupart des posts qui m’indifférent, mais qui permettent à tout à chacun de ne pas se sentir seul sur cette planète déshumanisée. Si la situation n’était pas aussi inconfortable et angoissante pour moi, je dirais que j’ai une relation bien plus humaine avec Visiu et Nasia en discutant chaque jour, qu’avec la majorité de mes amis Facebookiens.

D’autant que, très probablement, Facebook n’existe même plus, la Terre ayant été rayée de la carte… de l’univers.

 

Malgré moi, je boucle sur ces pensées pendant encore de longues minutes avant de décider d’aller me laver. Ce n’est pas l’enthousiasme qui va me casser une jambe ! Au bout de quelques jours : les mêmes gestes, les mêmes automatismes, plus aucune surprise dans l’apparition de tiroirs magiques. Je suis blasé.

Je hais être blasé. Il n’y a rien de pire que de ne plus savoir s’émerveiller.

Je crois que la déprime redoutée commence à sérieusement s’installer quelque part dans ma tête. C’est l’effet – non pas « Lazare » mais « sans Nasia ». Fidèle à la race humaine, j’ai probablement – par simple prétention – réussi à supprimer la seule relation saine que j’avais depuis mon arrivée sur cette planète Gé. Visiu est – jusqu’à preuve du contraire – celui qui m’a enlevé et donc mon geôlier, alors que Nasia est – était ? - mon « âme sœur », celle dont je suis sûrement le plus proche, étant donnée que la probabilité qu’elle ait vécu la même expérience que la mienne est assez forte.

 

Je ronge mon frein et c’est sans surprise ni joie réelle que j’accueille Visiu qui débarque pour continuer notre petit dialogue :

-       « Vous allez l’air bien maussade aujourd’hui… » constate t-il, plus fin que je ne l’avais estimé.

-       « Je me sens seul… »

 

Oulala, si je passe en mode Calimero à voix haute, ce n’est pas bon signe…

-       « Mais vous êtes seul » me répond t-il sans aucune trace de méchanceté, factuel à gifler.

-       « On t’a jamais dit que t’étais hyper fort pour remonter le moral aux gens, toi ? »

-       « Je ne fais que constater un état de fait, je ne comptais pas vous faire de la peine »

-       « Tu te sens un peu coupable là, quand même ? »

-       « Non »

-       « Tu te sens comment alors ? »

-       « Je ne me sens rien du tout »

-       « Alors si tu devais te définir, tu dirais quoi ? »

-       « Je suis »

-       « …et… »

-       « Et c’est tout. Pourquoi cette solitude vous pèse ? » reprend t-il en changeant de conversation.

-       « En fait, j’ai dû blesser Nasia. Je regrette… »

-       « Qui est Nasia ? »

 

Alors là, je reste sans plus pouvoir parler, j’ai la gorge soudainement très sèche. Soit il est vraiment abruti, soit quelque chose se passe de très étrange.

-       « Nasia, c’est votre collègue… »

-       « Je n’ai pas de collègue »

-       « La jeune extraterrestre qui m’apporte mon repas tous les jours, qui discute un petit peu avec moi… »

-       « Je ne vois pas, ça ne me dit rien »

-       « MAIS SI !!! »

Je me rends bien compte que je crie et que je me suis levé, mais c’est plus fort que moi. J’ai l’impression de devenir fou.

-       « Celle qui vient tous les jours me voir, m’apporte mon plateau !!! NASIA !!! N-A-S-I-A !!! »

-       « Ce n’est pas parce que vous criez que je vais vous dire oui, je ne vois vraiment pas de qui il peut s’agir… »

 

Ca y est, il faut que je me rende à l’évidence, je suis fou ! Cinq jours et j’ai des visions !! Je n’ai quand même pas pu inventer un personnage pareil ! J’ai toujours été créatif mais quand même !

Visiu, sans être aucunement paniqué par mes réactions excessives, n’a pas bougé d’un millimètre sur son siège et reprend la conversation comme si de rien n’était, comme si j’étais à une séance chez mon psy :

-       «  Donc vous avez blessé Nasia et maintenant vous regrettez… Une fois de plus cette bonne vieille culpabilité humaine »

-       « Pourquoi Nasia, pourquoi le dire comme si elle n’existait que dans mon imagination !! »

-       « D’accord, d’accord… » assure t-il comme à un enfant en pleine crise d’hystérie, « mais peut-être avez-vous créé ce personnage justement pour le blesser, sachant que vous avez peur de me blesser, moi, pour éviter les éventuelles représailles »

-       « Tu veux dire que pour assumer un quelconque syndrome de Stockholm avec toi, j’aurai créé… »

 

Je ne veux pas finir ma phrase, je ne veux pas formaliser la possibilité que je sois déjà cinglé à ce point. Mais la saloperie d’extraterrestre ne me lâche pas :

-       « Je n’ai jamais compris ce fonctionnement humain, à dire vrai »

-       « Lequel ? » avec un peu trop d’hystérie dans la voix.

-       « Faire du mal à quelqu’un pour après culpabiliser. Regretter,  c’est si stérile »

-       « Il faudrait faire comme toi ? Faire le mal autour de soi sans jamais y repenser ? »

-       « Pas du tout. Pourquoi ne pas dire et faire des choses qui ne blessent pas les autres ? »

-       « T’es bien placé pour parler, dis donc, Monsieur-j’enlève-tout-le-monde et je-détruis-des-planètes ! »

-       « Bref. Revenons au « Troisième jour » de la création, c’est beaucoup plus intéressant »

 

Ahuri, je le fixe sans y croire. S’il croit qu’après ce que je viens de découvrir aujourd’hui, sur ma propre folie déjà bien avancée, on va refaire « Salon de thé / Catéchisme », alors là il rêve ! :

-       « Non »

-       « Quoi non ? » me demande t-il.

-       « Ca veut dire : Non, tu peux aller te faire foutre, je ne discuterais pas avec toi de Dieu et toute la compagnie »

-       « Et puis-je savoir pourquoi ? »

-       « Comme manifestement, tu n’es pas assez intelligent pour le comprendre, alors je vais t’expliquer : Je n’ai pas envie de parler ! De toute façon discuter avec moi n’aurait aucun intérêt car je suis fou. Voilà, ça te va !! »

 

Il me sourit et se lève :

-       « Oui, ça me va. On continuera demain »

-       « C’est ça, ouai, tu peux rêver ! », rageusement.

 

Ils sont vraiment cons ces extraterrestres.

 

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