L'EPISCOPE - Partie 1 - Chap 2 b

Sœur Kardela et Frère Merin savaient bien qu’à onze heure trente, le Sieur Filbrey se trouverait comme tous les soirs dans la discothèque Le Palazio où tous les gens huppés, branchés, ou qui voulaient le faire croire, se retrouvaient dans l’interstice entre la Ceinture des Anneaux – lieu de tous les vices - et la Ceinture du Sunset.

Bien entendu, les deux disciples de la Miséricorde n’avaient pas l’apparence habituelle des partisans de La Mission Saint Eden. La Citadelle avait mis au point depuis longtemps, sans que la Fédération ne le sache, des holophysiques qui leur permettaient de changer leur apparence, et ainsi que l’on ne remarque pas le Signe sur leur front qui les aurait immédiatement identifiés.

Le Frère et la Sœur de la Miséricorde avait pris chacun l’apparence assez séduisante d’un représentant de leur sexe, sans pour autant être suffisamment identifiables ni reconnaissables car ils ne disposaient à vie que d’un seul holophysique individuel et devait donc lui permettre de resservir à chaque mission d’asservissement sexuel qui leur était confié. La cible avait été rapidement identifiée par les soins de Frère Sanni. Le Sieur Hurst Fibrey, cadre directeur de la Transcédérale était facile à repérer. Imbu de sa puissante place à la Transcédérale, il traitait le personnel de la discothèque comme s’il s’agissait d’un troupeau d’esclaves à ses ordres, comportement typique de l’encadrement supérieur de la grande société financière. Les serveuses et serveurs se soumettaient, sous la pression de la direction de l’établissement qui voyait s’entasser à chaque soirée de grosses sommes de sensos dans ses tiroirs.

Frère Sanni n’avait pas pu déterminer en si peu de temps les préférences sexuelles de Sieur Fibrey, d’où la présence de deux agents de La Mission, pour être sûr de répondre à ses envies sexuelles.

Sieur Fibrey était vautré dans un grand canapé, à l’écart de la piste où s’agitait toute la jeunesse huppée du Sunset et les jeunes cadres sur des rythmes déstructurés. Il riait tout seul en contemplant les autres s’animer sur le dancefloor. Il était conscient que son isolement était consécutif à la peur de l'approcher. Un désaccord ou un accrochage, même bénin, avec un cadre dirigeant de la Transcédérale pouvait coûter cher, suffisamment pour que tout être sensé y réfléchisse à deux fois avant de s’y engager. C’était une situation de pouvoir que l’on savourait seul, et Sieur Hurst Fibrey le savait bien. Rarement, il arrivait à créer quelques contacts auprès de gens inhabituels dans la discothèque, qui ne connaissaient pas encore sa situation. Il comptait bien là-dessus ce soir. Car ce soir, c’était un grand soir : La Transcédérale allait réaliser une grosse opération durant la nuit et obtenir enfin, après de longues négociations avec le Cartel, la fameuse carte d’accès à la Ceinture du Sunset.

Alors qu’il pensait à l’échange qui allait avoir lieu dans deux heures et demi, tout en buvant un glacis de Cernum bien serré, il remarqua une jeune femme très séduisante qui s’approchait en le regardant avec timidité mais intérêt. Bien faite et très sexy, il l’avait déjà remarquée quand elle était entrée dans la salle avec son ami.

-       Je peux ? lui demanda t’elle avec une certaine hésitation respectueuse qui l’excita.

Il lui fit signe que le canapé était grand et pouvait fort bien l’accueillir à ses côtés.

-       Comment tu t’appelles, joli ange ?

-       Kardela, lui répondit-elle en fixant son regard dans le sien.

Elle lui serra la main qu’il lui tendait, créant en toute discrétion le contact d’asservissement sexuel.

-       Original… répondit-il, moi c’est Hurst.

-       Banal mais séduisant, sourit-elle en prenant entre ses lèvres charnues la paille de son Glacis.

Il imagina malgré lui ces lèvres autour d’autre chose que cette paille et une érection naissante le surprit. Jamais il n’avait réagi aussi vite avec une inconnue. Il se sentait étrangement bien et libéré.

A la dilation de ses yeux, elle évalua que l’asservissement était déjà en cours et qu’il s’était diffusé dans le corps de la cible.

-       C’est sympa ici, je n’étais jamais venue.

-       C’est très sympa, moi je suis un habitué des lieux, assena t-il fièrement en relevant la tête et en appuyant sa déclaration d’un grand geste qui engloba les lieux.

-       Ah oui ? demanda t-elle avec un air admiratif, t’as de la chance de vivre cette vie là, tu dois rencontrer du monde.

-       Toi tu connais du monde aussi apparemment… J’ai vu que tu étais arrivée avec un homme, celui qui est là-bas et qui nous jette des coups d’œil.

-       Merin, oui il est avec moi, mais il ne voulait pas nous déranger, on est un couple très libre... répondit-elle en laissant sa cible imaginer ce qu’elle voulait.

-       Libre à quel point ? questionna t-il avec intérêt.

Kardela informa immédiatement Merin par son tekbio de communication que la cible était branchée « couple » et qu’elle allait lui proposer un plan à trois. Cette situation la rassura intérieurement, ça sera encore plus facile de lui retirer des informations avec un double asservissement.

-       Libre comme l’air ! Soit tu préfères qu’on reste tous les deux, soit ça te branche que Merin vienne vers nous, je sais qu’il te trouvait disons…

-       Il me trouvait comment ? demanda le financier de la Transcédérale avec la fausse humilité des gens qui ont l’habitude d’être complimentés du fait de leur situation.

-       Disons que c’est lui qui t’a remarqué en premier…

-       Dis-lui de venir si tu veux, répondit-il à la jeune femme sans vouloir montrer que l’idée de se retrouver avec un couple était inespérée et que ça ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, probablement depuis ses études. Il se sentait très excité par la situation.

-       Je reviens dit-elle en se levant.

Elle se leva et déambula avec sensualité et nonchalance sur ses talons compensés jusqu’au jeune homme. Suffisamment masculin et sexy pour faire envie et pas assez bodybuildé pour donner des complexes à un autre homme. Exactement ce dont il avait envie. Ils revinrent ensemble. Elle fit les présentations :

-       Hurst, je te présente Merin.

Ils échangèrent une poignée de main ferme qui donna au Sieur Fibrey les mêmes frissons qu’au contact de la peau de Kardela, comme les prémisses de quelque chose de bien plus excitant.

-       Je vous offre un autre verre ? leur proposa t-il alors qu’ils s’installaient chacun autour de lui.

Grand seigneur, il leva la main et claqua des doigts. La serveuse contrite arriva avec empressement, le sourire crispé, craignant de nouvelles insultes. Elle regarda avec surprise ce jeune couple de bellâtres qui entouraient ce porc de la Transcédérale.

-       Trois autres double glacis de Cernum bien serrés et magne toi le cul conasse, ça urge.

-       Bien Sieur Fibrey, répondit-elle en se penchant, soumise et ravalant sa haine.

Elle fit demi-tour en imaginant le regard habituel de ce goret abject qui suivait le mouvement de ses fesses. Elle savait que si elle se retournait, elle constaterait qu’il la matait, les yeux brillants de concupiscence à son habitude. Malgré elle, comme à chaque fois, elle se retourna et cette fois-ci elle fut surprise car ce n’est pas elle qu’il regardait, mais la jeune femme et bien droit dans les yeux en souriant.

« Sale porc » commenta t’elle alors qu’elle s’appuyait au bar et demandait machinalement aux barmaids de préparer ses trois verres.

 Cela faisait plusieurs années qu’elle travaillait au Palazio et elle était habituée au Sieur Fibrey. C’était en revanche la première fois qu’il ne matait pas son derrière et elle se sentait plutôt vexée malgré elle. Pendant que la barmaid finissait de préparer la commande, elle regarda sa silhouette dans un des grands miroirs et constata qu’elle était toujours aussi séduisante.  Alors qu’elle posait les verres sur le plateau à suspenseurs, elle se dit qu’elle allait jouer le grand jeu pour ce connard de la Transcédérale : Pour qui la prenait-il !

Elle revint donc armée non seulement d’un plateau garni mais aussi de son déhanché et de son sourire qu’elle savait irrésistibles. Elle s’en était servi pendant toutes ces dernières années et avait décroché cette place grâce à ses deux atouts, et aussi à sa poitrine qu’elle avait fait refaire trois fois déjà. Elle avait d’ailleurs amassé de nombreux pourboires et ça n’était pas un porc habitué qui allait la faire douter de ses charmes. Sieur Fibrey était en pleine conversation avec ses deux convives et ne semblait plus savoir où donner de la tête. Ses yeux étaient dilatés et excités comme un enfant à qui on montre des jouets magnifiques qu’il va bientôt pouvoir obtenir. Il ne remarqua même pas qu’elle posait les verres sur la table et, après avoir attendu quelques secondes, la serveuse repartit vexée vers sa prochaine commande, en plein doutes.

 Après le troisième Glacis, alors que son taux d’hormones était monté au maximum, par le biais du pré asservissement sexuel et du charme de ses deux convives, Hurst leur proposa de bouger et d’aller chez lui. Quelques secondes calculées d’hésitation et ils acquiescèrent avec enthousiasme. Le cadre supérieur de la Transcédérale leur proposa de les rejoindre dehors, prétextant qu’il préférait rester discret. Après quelques minutes de solitude où il sirota le fond de son glacis de Cernum, il retrouva son self-contrôle mais n’arriva pas à calmer ses pulsations cardiaques. Le sang lui tapait dans les artères et sur les tempes. Ce n’était pas un supplice, c’était plutôt comme une vague de sensualité. Il évita de penser à ce qui l’attendait dehors.

Quand il se sentit enfin prêt, il se leva avec distinction en lissant la toge que portaient tous les cadres supérieurs de la Transcédérale et quitta la salle sans un regard autour de lui.